"droits" de l'homme et libéralisme.

Publié le par Michel M Piquet

Les "droits" de l'homme ne sont pas "libéraux"

 

- Depuis Burke, repris là-dessus par Hayek, les libéraux incriminent un constructivisme de 1789,  C’est le thème de l’homme nouveau (fantasme favori des totalitarismes, dont il s’agit de rendre responsables les DH qui produirait la terreur). <voir "homme nouveau">.

C’est de cela que relève aussi P. Manent. C'est au nom de  ce prétendu constructivisme que Th. Collin le suit dans sa critique des DH  : « l’invocation des DH est insuffisante à déterminer ce qui est juste <sic : c’est parler morale>, car il y manque la propriété première d’une mesure, son caractère non malléable. D’où vient que le critère même de légitimité puisse être à ce point transformable au gré de l’histoire moderne de telle manière qu’il en devienne inopérant ? Cela vient du fait que la société politique et ses revendications de justice sont portées par un même présupposé :  l’homme n’est pas un donné, mais il se construit lui-même <contrairement à 1789, selon Bibi>, l’homme et la société sont leurs propres projets. Ils sont donc animés par cette espérance. Mais espérance de quoi ? Comme dit fort bien Manent, « l’homme moderne pose la différence entre la loi qu’il cherche et la loi qu’il fuit en fuyant la nature <bibi : les faits : non justement> en soumettant toujours plus complètement la nature y compris sa propre nature. A quoi ? A sa « liberté », à son « autonomie », à la loi toujours nouvelle dont est toujours à nouveau l’auteur »  (La cité de l’homme, p. 292) Collin traduit : où est la limite à ne pas franchir ? Les DH ? Non, car les DH sont eux-mêmes déclarés par l’Assemblée nationale de 1789, ie une circonstance politique.

Bibi : et alors ? Déclarer un fait au mois d’août, ne l’empêche pas d’être valable pour l’hiver ! Sa légitimité ne dépend pas de la date, pas non plus de la conjoncture politique de l’époque, mais de son contenu, et de la manière dont il est atteint : si on découvre une loi scientifique... l’essentiel n’est peut-être pas la date ou les motivations purement personnelles de ses découvreurs :  Manent et Collin confondent l’anecdotique et l’essentiel (cf ; La France n’est pas la patrie des DH...!

 

« Personne ne réclamait qu’on inscrive le droit de s’associer ou de se réunir. Il est vrai que ces droits pouvaient être considérés, en matière sociale par exemple, comme des atteintes à la liberté individuelle et surtout à la liberté d’entreprendre »[1].

 

- « La société des droits et du marché » : imposture intellectuelle de Luc Ferry[2]. Bibi : où est la sociologie de cette affirmation ? Il s’agit de faire mine qu’il n’y aurait pas tension évidente entre marché & Dh –et ce, dès 1789...

 

-Libéralisme comme non référence et même comme le comble de la non référence.<voir:: non-référence>

Critique radicalement autre que celle de l’extrême-droite ou gauche[3], qui lui reprochent l’égoïsme de ses principes: loi du marché, concurrence. Alors que nous (Bibi) lui faisons au contraire grief de n’en avoir que faire et de rompre ipso facto avec la rationalité élémentaire, celle qui sous tend l’acte de se référer à une position intellectuelle, au-delà du réflexe (de la recherche du profit) quasiment aussi rotulien et animal dans la jungle sociale que celui de la survie. Ce chacun pour soi  n’a rien d’un mode de gestion du groupe : la main invisible est un fantasme ou une image, rien n’y est démontré, rien n’y est à démontrer <reste de l’enracinement dans la foi religieuse>.

Demandez un devis : on vous le fera payer. Non pour rémunérer un travail, mais pour vous dissuader d’aller ailleurs demander un devis concurrent, de faire jouer la sacro sainte concurrence : ceci tient-il à une intrusion de l’Etat dans le monde de l’entreprise ? pas du tout, c’est une invention typique d’entrepreneur.

L’innovation, moteur de l’entreprise ? Oui à condition de préciser que c’est le vol d’innovation : ie. le vol et non l’innovation. Le brevet du soutien gorge soustrait à son inventeur par un margoulin qui invoquait l’amélioration de la condition féminine, et qui commença ainsi une des premières fortunes mondiales. Le roi de l’acier a plagié l’invention par l’anglais Bessmer du convertisseur de fonte en acier par injection d’oxygène. Avant de détruire toute concurrence en achetant mines et sidérurgie de par le monde. Qu’en diraient A. Smith ou Schumpeter ?

 

 

-Déclaration de 1789 anti libérale , aussi, en ce dont elle est l’héritière, ie les révoltes de l’Ancien régime notamment celles du 18e siècle. 

On évoque souvent parmi les « causes de la Révolution », le discrédit de l’autorité monarchique. Et il ne fait pas de doute, notamment en matière fiscale ; les révoltes ; qui contribuent par leur unanimité, leur caractère « transversal » à la constitution d’une opinion, à une reconnaissance progressive de ce qui sera le contenu des libertés fondamentales, celles de 1789, par-delà les exclusives sociales.  <voir « impôts & DH », cit. de R. Chartier>, mais ceci vaut surtout pour la fin du 17 e siècle.  (On note un « effacement des révoltes antifiscales après l’ultime flambée des années 1660-1675 (...) qui n’épuise pas la protestation rurale mais (...) en transforme radicalement les formes. Aux rebellions contre l’Etat prédateur <il ne s’agit plus de récuser l’Etat cf. « DH mode de gestion du groupe »> succède au 18e siècle une contestation qui a changé d’âme, de tactique, de stratégie »[4]. D’abord les cibles ne sont plus les mêmes : le  collecteur de l’impôt royal cède la place dans la détestation paysanne au seigneur du lieu, au curé décimateur , au fermier entreprenant. Les méthodes, elles aussi, se modifient : le recours procédurier à l’administration ou à la justice royale remplace les violences ouvertes » <Ce ne sont pas, en outre, les mêmes régions qui sont concernées>. 

L’adversaire n’est plus l’état moderne en construction, mais la seigneurieà politisation du village, fort éloignée des révoltes du 17e s. avec leur nostalgie de l’âge d’or, leur mythe de l’impôt aboli, leur pulsion millénariste <bibi : tout cette tabula rasa  dont –quoiqu’on en ait dit- se gardera bien la Déclaration de 1789> apprentissage de la politique que font (ainsi) les communautés rurales (...) en prenant pour cible la seigneurie, insupportable pour ses archaïsmes arbitraires  <mais cela,  ce n’est pas nouveau> comme par sa dynamique capitaliste[5] <et cela, c’est nouveau>. Contre les redevances, certes, mais aussi contre l’accaparement des communaux, la clôture des prairies, la constitution de grandes fermes »... = quelque chose comme l’accumulation primitive...

Avant la lettre(?), il y a donc du libéralisme, du capitalisme dans le fonctionnement seigneurial sous l’Ancien Régime. Les protestations paysannes violentes, mais surtout judiciaires des communautés rurales, appuyées par les intendants, contre tous les accaparements « capitalistes » des seigneurs-à ce mouvementà 1789 mouvement non contre l’Etat, mais comme entrée du peuple dans la pratique politique.<libéralisme  = anti politique>

--à le « droit » de propriété comme « droit » de l’homme : cela signifie et exprimera donc, nous semble-t-il, une perception fort pertinente et très répandue du capitalisme/libéralisme comme contraire à la propriété, par définition, confiscatoire par sa logique même..

 

 

- En cas de crise économique et/ou financière, c’est toujours «la faute à l’Etat », que ce soit pour être intervenu ou pour ne pas être assez intervenu.

En 2009, « les marchés ont une responsabilité, mais les vrais responsables, c’est la puissance publique . En favorisant un accès illimité au crédit à des emprunteurs dénués de moyens (baisse des taux d’intérêt par la Réserve fédérale dans les années 20002-2004 (Greenspan), elle a favorisé la « mentalité de la bulle »[6]. Bibi : mais, au contraire, en faisant l’Etat on laissait aussi les entrepreneurs libres de proposer ou non de tels crédits à leurs clients ; singulière interventionnisme étatique. Sinon, on ne comprendrait pas que M. Greenspan ait pu se reprocher, après la crise, d’avoir trop fait confiance à l’auto régulation du marché. Typiquement libéral et anti référence. Il nous faut une police de régulation... celle des squares[7]. « L’Etat selon Posner, devra être plus vigilant (!) sur les risques systémiques » !!!

 Lui et ses amis s’opposaient naguère à toute velléité de renforcer ses moyens de contrainte dans la finance » (S. Cypel, Le Monde juin 209)

 

- La « logique » des marchés n’est pas logique :

logique du marché : «Si le prix du pétrole monte sans contrôle (sic), l’inflation grimpera. Cela dopera les salaires ; une telle spirale prix-salaires poussera la Fed à relever ses taux ; le dollar montra, les actions baisseront. (...) Vous pouvez oublier cette logique car... »

Les investisseurs sont prêts à croire presque n’importe quelle histoire optimiste sur les matières premières. Ils se font une joie d’ignorer les effets inévitables de prix élevés (de matières premières comme le pétrole) sur la demande et les conséquences tout aussi inévitables d’une demande plus faible sur les priux (...) Puisque les émotions changent plus vite que les faits, il devient difficile de prévoir ce qui va se passer sur les marchés ». Le Monde, 6 juin 2008, p. 14

 

 

- Burke libéral : il en exprime parfaitement la contradiction chronique, constitutive : V.  Raynaud/Burke, p. XLIV-XLV

 

-Fausse clarté du libéralisme. Les usages trompeurs du thème de la « République », manifestent le flou « doctrinal » du libéralisme : son caractère non référencé.

Selon J.A.G. Pocock (Le moment machiavélien, 1975), le libéralisme en général (et, contrairement aux interprétations traditionnelles, la république américaine en particulier) s’enracine non seulement dans Hobbes et Locke mais aussi dans le « civisme » républicain des cités médiévales prolongé par Machiavel. C’est ce mouvement plus ancien qui aurait, selon lui, influé la première révolution anglaise, Cromwell et Harrington. (qui à la limite, serait plus déterminante que 1789...déterminante pour quoi ? Pettit  et Y.C. Zarka disent : de la modernité : nous dirions plutôt du libéralisme et seulement du libéralisme. 1789 faisant au contraire, contraste comme rupture avec la logique libérale (rupture proche, en effet, de Machiavel...).

Plus récemment Philip Pettit et d’autres tentent de faire de ce « républicanisme » une alternative idéologique au libéralisme, ou néo libéralisme actuel dont les sont un peu trop voyants et caricaturaux... Il définit la liberté comme non-domination : ce que des néo libéraux comme Hayek négligent entièrement.

Il s’agit de savoir s’il s’agit là d’une alternative au libéralisme, ou si cette dimension civique républicaine n’était pas déjà présente dans le libéralisme de Montesquieu, B. Constant ou Tocqueville. Ce serait la thèse de Y.C. Zarka (Monarchie et République au XVIIe siècle, Zarka, dir. P.UF. 2008).

 

 

 

 

- Dans sa version politique, le libéralisme est hobbesien (ou spinoziste : Traité politique, chap. 2, 11sq. ; chap. 5 et 6, 1-3, ou encore d’une certaine manière machiavélien). Voir DH & DROIT NATUREL. (le libéral se jette dans l’Etat).

 

-F. Denord, Néolibéralisme, version française, histoire d’une idéologie politique, éd. Démopolis, 2007. Lippmann, La Cité libre, avant 1938. Colloque W. Lippman R. Aron, Société du Mont Pèlerin (Hayek[8] et Wilhelm Röpke[9], Jacques Rueff.-> plan Armand-Rueff (1960) : épisode décisif de l’histoire du néo libéralisme. Ce libéralisme qui croit à l’intervention de l’Etat..

A vrai dire, ce néo libéralisme, c’est exactement la configuration de Vichy (moins la défaite) : le système Pucheu, ie  déception simultanée du capitalisme (crise de 1929) et du « socialisme » (Front populaire « cause de défaite »)

Ph. Raynaud, « Le libéralisme », été 2007, Commentaire.

 

 

- Jacob Taubes : « je voudrais bien être libéral, moi aussi, mais le monde n’est pas tel qu’on puisse se montrer libéral, car c’est aux dépends des autres. Qui le paye, c’est la question ; et le tiers monde et le quart monde et les cinquièmes et sixièmes mondes qui s’avancent vers nous, ils ne seront pas du tout libéraux, bien au contraire, de brutales revendications surgiront »[10].

 

 

- C. Schmitt :Libéralisme comme individualisme, à distinguer de démocratie (nécessairement de masse) voir « individualisme »  Carl Scmitt.


à suivre. 

 

 


[1] Pierre Miquel, La Grande révolution, Paris, 1988, p.225.

[2] Notamment dans son exposé « Après la déconstruction », in Juifs et chrétiens face au XXIe  siècle, A. Michel, 2008, p. 73 ss.

[3] Au reste, c’est surtout au libéralisme politique (libertés diverses) que s’en prend l’extrême-droite et gauche ; beaucoup moins au libéralisme économique...et notamment parce qu’il ne s’applique pas il est un fantasme d’économiste en chambre....

[4] E. Le Roy Ladurie, « Révoltes et contestations rurales en France de 1765 à 1788 », Annales ESC, 1974, p. 6-22

[5] Nous soulignons (M.P.).

[6] Richard Posner, Un échec du capitalisme : la crise de 2008 et la descente vers la dépression, New York, 2008 (cité par Le Monde, fin juin 2009 « Le  capitalisme est darwinien » et précisément non, et c’est bien pourquoi il y a catastrophes.

[7] Comme l’écrivait N. Baverez : «dans la politique d’A. Greenspan, on trouve une erreur classique de stratégie monétaire, avec le retard pris dans les hausses des taux à partir de 2003-2004, mais aussi  une erreur idéologique (sic) avec le principe de l’auto régulation des marchés, <principe de base du libéralisme> qui a conduit à exclure toute régulation effective des marchés de dérivés, de nombreux opérateurs et de la titrisation ».  

[8] La Route de la servitude : individualisme, concurrence, risque

[9] Artisan principal du redressement allemand après 1945.

[10] En divergent accord, trad. Paris, 2003, p. 85.

Publié dans Libéralisme & DH

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article