3e République & "droits" de l'homme

Publié le par Michel M Piquet


En complément à Du mode d'existence des "droits" de l'homme.

DH & 3e république

 

- Les textes constitutionnels de 1875 ne comportent aucune référence aux « droits » de l’homme de 1789

 

-Il semble que si : voir le chapitre liminaire intitulé « droit public des Français » ( ?) qui, selon F.G. Dreyfus[1] « résumerait » 1789 : « art. 1er les Français sont égaux devant la loi » art 4 « leur liberté individuelle est également garantie » « visiblement inspiré de l’article 7 de 1789 »

VERIFIER. Souligner la dérive par rapport à 89.

 

 

- Carré de Malberg, Duguit, Esmein, et Hauriou s’interrogeaient d’ailleurs sur « la portée juridique que pouvait avoir la Déclaration de 1789 dans une Constitution (celle de 1875) qui ne s’y référait pas »[2]. -grande controverse entre

C. de Malberg : Les « droits » de 1789 sont de simples principes.              

& Esmein : Les « droits » de l’homme de 1789 sont devenus les fondements « implicites » des régimes  politiques –et notamment de la IIIe république...

 

 

 

-Troisième république comme retour contre 1789 : Renan est exemplaire comme relais historique comme « ennemi de l’intérieur ».

Lorsqu’il se fait « républicain » en 1871, c’est contre la démocratie  et le suffrage universel. Ainsi englobe-t-il l’Empire qui vient d’être défait et la République 1848 qui avait accordé le suffrage universel. Ce que Victor Cousin appelait le « crime de février 1848 ». Renan : « ce misérable gouvernement <du second Empire> était bien le résultat de la démocratie, la France l’avait voulu, l’avait tiré de ses entrailles. La France du suffrage universel n’en aura jamais de beaucoup meilleur »[3].  Et celle des « droits » de l’homme ?

Car, contrairement à ce que laisse entendre Sternhell, c’est davantage, plus directement, le principe de majorité que les « droits » de l’homme que Renan dénonce. (reste que les deux choses sont nécessairement liées dans son esprit).

En tout cas, on est bien avec Renan dans le « mépris et l’oubli » des DH : ie, en l’occurrence, des multiples agressions du second Empire qu’il fallait vraiment négliger pour identifier l’inspiration de la 1ère république de février 1848 & celle de Napoléon III.

 

 

-lorsque H. Arendt fait remarquer que, dans les démocraties pendant la Seconde guerre mondiale, les « droits » de l’homme n’ont pas été respectés à l’égard des étrangers, elle laisse entendre qu’ils l’étaient « évidemment » par les Etats de droit à l’intérieur de leurs frontières et vis-à-vis de leurs citoyens »[4].

Or rien n’est plus faux que cette « évidence » d’Arendt : le spectacle de la IIIe république, des fondations à 1940, en est un très bon exemple : l’Europe vivait  dans l’oubli, le mépris, l’ignorance des « droits » de l’homme bien avant 1940[5] ... Et contrairement à ce qu’Arendt croit ainsi établir, la crédibilité universaliste des « droits » de l’homme ne trouve aucun démenti spécial dans le comportement des Etats de droit à l’égard de leurs non nationaux. Qu’il y ait eu une querelle sur les Juifs français & les Juifs apatrides (et entre eux) tendant à rejeter ces derniers, ce n’est pas seulement vrai en 1940-1945, tel avait déjà été le cas à la fin du 19e siècle (voir le cas pénible de Bernard Lazare) : rien de nouveau et donc de si révélateur.

 


(à suivre)

[1] Passions républicaines..., p. 52

[2] P. Raynaud, « Des droits de l’homme à l’ état de droit », Droits, 1985

[3] La Réforme intellectuelle et morale de la France.

[4] Comme le résume Blandine Kriegel, Querelles françaises, Paris, 2008, p. 215.

[5] Tout le monde connaît le vague et l’imprécision de la référence à 1789 de tout le radicalisme  de Gambetta à E. Chartier (Alain). Référence intransigeante autant que floue, qui n’a pas peu contribué à discréditer les « droits » de l’homme. C’est bien le sens de Clemenceau : « la Révolution est un bloc ». rien de plus éloigné peut-être, des la Déclaration de 1789 comme lapsus. Admiration de la Révolution, mais la Convention, : "une assemblée de lâches qui se sont entretués par peur » (G. Wormser in La République de Clemenceau, Paris, 1961) Le programme de Gambetta (1869, Belleville) n’était pratiquement pas réalisé en 1901 lors du congrès de fondation. --> idéal radical d’une absence de la politique : tout pouvoir est d’essence tyrannique, il n’y a de liberté que chez les individus et dans un contrôle continuel  des gouvernés sur les gouvernants (C. Nicolet, Le Radicalisme, Paris, 1957, p. 39) ; le dépérissement inévitable de l’Etat (Jules Simon, La Politique radicale, Paris, 1869), l’égalisation par l’éducation (contre l’Eglise) qui débouchait, en fait, sur un élitisme/ celui des examens et concours au dessus de toute contestation-à réformisme partout – sauf à l’école. ;  « Le Parti radical est un parti bourgeois qui a l’âme d’un parti du peuple, écrivait Ferdinand Buisson. Les classes moyennes ne pensent plus comme autrefois (...) elles inclinent à faire cause commune avec le peuple » : Il s’agissait de se convaincre par une véritable auto suggestion de ce que ce paradoxe était tenable, durable..--> équivoque à l’égard des réformes sociales : plutôt modifier l’impôt au profit de la paysannerie qu’améliorer la condition des ouvriers. « les muets du sérail » (Clemenceau).

Publié dans 3e République & DH

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